Les DRH n’échappent pas à la transformation numérique. Les réseaux sociaux sont en passe de devenir leur média préféré. En poste ou en recherche, comprenez comment ils les utilisent pour mieux les séduire.
Il serait prématuré de vous conseiller de jeter les CV et lettres de motivation, tellement vintage, car selon le magazine "Vogue", les imprimés sixties sont de retour. Toutefois, ne comptez pas trop sur ces outils du XXe siècle pour décrocher votre prochain emploi. Bienvenue en 2015, où les réseaux sociaux sont furieusement à la mode, au point que bientôt vous vous demanderez comment on faisait avant, avec la même pointe de nostalgie que vous éprouviez jusqu’à présent à la vue d’un Minitel.
Nous avons interrogé plus d’une centaine d’entreprises qui confirment cette tendance. Parmi elles, 59 % disent avoir utilisé un nouvel outil numérique au cours des douze derniers mois. Et les réseaux sociaux, professionnels ou personnels, font désormais jeu égal avec les job boards (sites d’offres d’emploi et de recrutement). Grandes entreprises ou acteurs du numérique y ont recours. Une enquête réalisée par RegionsJob arrive aux mêmes conclusions : 56 % des recruteurs utilisent les réseaux sociaux pour recruter, tous secteurs et toutes tailles d’entreprise confondus. Et 34 % des personnes interrogées estiment leur efficacité "plutôt bonne" voire "excellente".
La directrice du recrutement groupe de L’Oréal, Frédérique Scavennec, fait partie des adeptes. Elle a lancé une transformation complète des RH, dont le résultat est sans ambiguïté. Cette année, un quart des recrutements a été réalisé via les réseaux sociaux. La place qu’ils occupaient était nulle il y a deux ans ! Dans le même temps, le nombre de followers de L’Oréal sur LinkedIn est passé de 70 000 à 500 000 ! Cette mutation a aussi une dimension financière. Recourir aux réseaux, "c’est moins cher qu’un cabinet pour des postes ciblés avec précaution ou que certains job boards qui offrent beaucoup de volume, mais pas toujours avec la qualité recherchée", explique-t-elle. "Sur notre site internet, nous recevons 8 000 à 10 000 candidatures spontanées par an, précise de son côté Éric Barilland, le directeur de l’image employeur et campus manager d’Orange. Sur les réseaux, les candidatures sont mieux ciblées et davantage en adéquation avec les postes proposés."
Plus qu’un nouvel outil, c’est un changement de perspective qui est à l’œuvre. "Avant, on sélectionnait passivement des candidats en recherche active. Aujourd’hui, on sélectionne activement des candidats en recherche passive", résume Hervé Bouche, le responsable du recrutement de Poclain Hydraulics. Les réseaux sociaux renversent l’ordre des choses et obligent, fatalement, les candidats à revoir leur stratégie. Thomas-Alexis Cailleau est allé au bout de la logique en diffusant ses compétences sur les réseaux sociaux.
L’IMPORTANCE STRATÉGIQUE DES MOTS CLÉS
"Se connaître pour se faire reconnaître"
Pascale Baumeister, coach.
Auteur de "Révéler sa véritable personnalité avec le personal branding"
En quoi consiste le personal branding ?
Il s’agit de se connaître pour se faire connaître afin de se faire reconnaître. Au-delà de la formule, cela revient à appliquer les outils du marketing et de la communication à la personne et à ses compétences. Cela a toujours existé, mais les réseaux sociaux en ligne et la forte concurrence entre les candidats ont rendu le besoin d’être visible encore plus fort qu’avant.
Quel est le bon moment pour s’y mettre ?
Mieux vaut ne pas attendre d’être en recherche d’emploi. Il faut prendre l’habitude de tisser son réseau, de contacter en ligne systématiquement les gens que l’on rencontre. Ainsi, le jour où vous êtes en recherche, vous pouvez vous appuyer sur ce réseau. Il faut aussi avoir une page de présentation à jour et soigneusement complétée. En particulier, il ne faut pas oublier la partie basse du profil : les compétences et les recommandations.
Faut-il choisir un réseau ou être présent sur plusieurs à la fois ?
Être sur plusieurs plates-formes est préférable car les recruteurs vont sur l’une, l’autre, et certains seulement sur les deux. Toutefois cela prend du temps. C’est vraiment comme pour la communication, il faut choisir le bon canal, selon l’audience que l’on veut toucher. Pour les postes internationaux, on préférera LinkedIn, tandis que Viadeo est plus adapté pour les postes de middle management.
Que vous soyez étudiant, jeune diplômé ou cadre confirmé, n’attendez pas le jour où vous serez en recherche d’emploi pour interagir avec les réseaux. C’est dès maintenant qu’il faut commencer. Jeune diplômé ? Suivez les entreprises cibles que vous avez identifiées sur Facebook, Twitter ou YouTube. Nombreuses sont celles qui proposent des vidéos pour se faire connaître et attirer les candidats. Sur le compte Facebook d’Oodrive, la DRH Julia Lefebvre annonce à ses abonnés la date des hackathons et autres événements. "Nous mettons aussi des éléments sur notre image et nos pratiques RH", souligne-t-elle. Au Brésil, Renault a organisé un Rallye des talents qui a réuni 41 participants sélectionnés sur les réseaux sociaux (sur 1 289 dossiers) possédant des profils intéressants pour travailler dans le réseau commercial. Résultat : 20 personnes ont été recrutées pour un coût moyen de 1 500 euros. De tels événements existent aussi en France. Si vous y participez, soyez sympa pour la boîte et pour vous-même : publiez photos et mini-films. L’entreprise qui vous a invité vous en sera reconnaissante. Xavier Pacini, le responsable du développement des dirigeants chez Renault, confirme : "Les photos et les films ont un effet démultiplicateur qui participe à accroître notre notoriété." Le bon buzz n’a pas de prix. Encore faut-il être invité ou retenu. Pour cela, mieux vaut avoir un profil à jour et se transformer, le temps de la recherche d’emploi, en spécialiste du référencement. Pour arriver sur votre page et vous contacter, les DRH vont utiliser soit un moteur de recherche grand public, soit celui que proposent les réseaux sociaux professionnels comme Viadeo ou LinkedIn. Il faut donc maîtriser quelques règles de base, à commencer par la cohérence de l’ensemble des informations que vous publiez. Hervé Bommelaer, associé du cabinet d’outplacement Enjeux & Dirigeants, conseille d’"avoir une présence professionnelle, avec une photo sérieuse, un profil complet et sans faute d’orthographe. Mais il est aussi impératif de travailler les mots clés." Ce dernier point est essentiel : mettez-vous dans la tête de celui qui pourrait vous chercher et demandez-vous quels mots il va taper pour avoir une chance de vous trouver.
Sans oublier que, pour apparaître dans les premières réponses, il faut avoir un profil le plus complet possible. Incontestablement, c’est du travail, mais le jeu en vaut la chandelle. Normandie Aeroespace, un pôle qui réunit les sites de production de grands groupes et de PME, a sélectionné de cette façon les 250 personnes qui ont passé un entretien lors d’un forum emploi fin novembre. Christophe Martin, le vice-président, s’en félicite."Nous avons mené 50 entretiens qui ont débouché sur six intentions d’embauche, dit-il. Ce sont d’excellents résultats."Par ce biais, vous pouvez également être mis en relation avec des employeurs auxquels vous ne pensiez pas, mais qui vous recherchent. Olivier Jullienne, le DRH du groupe Roullier, explique recruter ainsi des jeunes commerciaux qui ne connaissaient pas forcément son entreprise.
Une autre raison milite en faveur d’un profil complet et pertinent. Sur votre page apparaissent des offres d’emploi qui pourraient vous intéresser. Elles ne sont pas là par hasard. "Nous offrons aux entreprises de les diffuser auprès de personnes potentiellement intéressées", explique Nicolas Mirail, le directeur commercial de LinkedIn. Le système a encore des ratés, l’auteur de ces lignes s’est récemment vu proposer un poste de manager boucherie dans un hypermarché ! À moins que cela ne signale une page mal mise à jour.
CONVERSATIONS SUR LE RÉSEAU
Comme son nom l’indique, le réseau social numérique est d’abord un réseau. D’ailleurs, Olivier Fécherolle, le directeur général et stratégie de Viadeo, rappelle que, à l’origine, "c’était un outil de réseautage entre professionnels. Ce sont des recruteurs qui sont venus nous voir parce qu’ils étaient intéressés par ses potentialités." Revenir aux sources de Viadeo, LinkedIn, voire Facebook, peut aider à trouver un emploi. Entrez en relation, participez à des conversations, faites connaître vos compétences et, qui sait, si un jour une relation commencée par une conversation désintéressée ne débouchera pas sur une promesse d’embauche. CGI a numérisé ses RH et, à côté des pros du métier, cent ambassadeurs – tous volontaires – peuvent répondre aux questions posées par les visiteurs, que ce soit sur le métier ou sur les perspectives de carrière. Julien Cotte, le directeur du recrutement et de la mobilité de l’entreprise, reconnaît recevoir près de dix demandes de contact chaque semaine. Pas toutes désintéressées évidemment !
Enfin, n’oubliez pas que ce que vous publiez sur ces réseaux peut intéresser votre futur employeur. Laurent Lefouet, le DG Europe d’Anaplan, une start-up américaine, souligne qu’"un avis publié sur un forum professionnel peut servir de fil rouge lors d’un entretien. Une personne qui arrive face à moi à ce niveau du processus possède les compétences. C’est surtout sa capacité à défendre une opinion sans agressivité qui m’intéresse." Une préfiguration de l’avenir ? C’est possible. Un des DRH que nous avons rencontrés nous a indiqué tester actuellement un modèle de réseau inspiré de Tinder, l’application de drague en ligne. Selon ses dires, le test est intéressant mais pas encore concluant…